Avec vos mots

Expériences, théories, aphorismes, images, séquences, haikus... Ceci est un espace libre, un grand mur pour répondre à cette question redoutable: qu'est-ce que ça signifie de faire acte de création quand on filme le réel? Tous les outils sont à votre disposition au dessus: on peut y insérer des images, des liens, des vidéos sur youtube ou dailymotion, des italiques, des mots en gras... On peut se répondre, bien sûr, mais chacun parle en son nom. Si la matière le permet, nous ferons un premier bilan à l'automne 2015 et, en 2016, nous aimerions donner une existence publique à cette réflexion collective: débat au Réel? Publication? Ça dépend de nous tous...

Pour moi, cette question est intimement liée à ma participation à Addoc. En 2006 ou 2007, je ne me souviens plus, j’avais adhéré une première fois, mais assez vite, je m’étais dit que je n’étais pas à ma place. J’avais fait plusieurs « documentaires » (et pas mal de reportages), j’avais essayé « d’y mettre quelque chose » - et je ne renie aucun de ces films – mais je savais, au fond de moi, que ce n’était pas des « documentaires de création ». Non pas selon une définition extérieure, imposée, établie, mais selon des critères intérieurs : je n’avais pas le sentiment d’avoir fait « acte de création » - d’avoir essayé, éventuellement, mais pas d’avoir réussi. Il a fallu que cette chose là arrive – avec Monsieur M – pour que je revienne à Addoc, que je me sente légitime pour cela. Quand je dis « cette chose-là arrive », c’est vraiment l’idée de quelque chose qui m’a dépassé, une conjonction inédite, pour moi, entre du désir partagé – avec ma coréalisatrice, ma productrice, mon chefop, mon monteur – des rencontres inattendues, des moments de grâce, de l’inconscient, de la technique et à la fin, des spectateurs (pas tous, d’ailleurs, et heureusement). Je me souviens d’un festival où le film a été présenté et primé, et l’un des membres du jury, un sociologue suisse, je crois, en nous remettant le prix, avait improvisé une analyse – brillante, et dont je n’avais pas compris la moitié, mais je m’étais dit : Waouh, il y a tout ça dans ce film ! Je ne le savais pas. Il s’est donc passé des choses totalement imprévisibles et qui peut-être ne se reproduiront plus ? Peut-être que ce sera, de toute ma carrière, le seul « acte de création » dont j’aurai été capable ? Ce que je veux dire par là, c’est que ce n’est pas parce que j’ai fait un acte de création que je me sens un créateur – j’y reviendrai plus tard, dans un autre post. Qu’il me paraît toujours aussi difficile de dire à l’avance : je vais faire un documentaire de création. Je vais essayer, je vais travailler, mettre tout en place pour que « cette chose-là arrive » la prochaine fois, mais si j’ai réussi, je ne le saurai qu’après. Alors, comment fonder une définition, comment définir comme « de création » un objet qui n’existe pas encore (puisque ça doit nous servir pour trouver l’argent pour le faire)? N’est-ce pas impossible par nature ? Au lieu d’essayer de distinguer le documentaire de création (par rapport aux autres genres : le documentaire tout court, le reportage etc…) dans l’espace, le distinguer dans le temps ? Définir le documentaire (film dont la matière première, l’objet et le sujet est : le réel), d’abord, puis l’acte de création ensuite, une fois le film fait (et donc, puisqu’il s’agit de parler d’argent, créer ou renforcer les dispositifs d’aide après réalisation).